La grave crise de la société haïtienne contemporaine, qui oppose les grandes masses populaires à
une oligarchie qui entend perpétuer un système d’exclusion, a connu des soubresauts divers
depuis le 7 Février 1986.

Deux projets s’opposent à travers des luttes revendicatives et politiques, dans un contexte de
démocratie dite représentative, avec des avancées et des reculs. On a connu plusieurs coups
d’Etats, dont les plus dommageables pour le peuple ont été ceux de 1991 et de 2004. Malgré un
matraquage continu par la machine répressive et idéologique, les secteurs les plus conscientisés
et plus combatifs de la population ont tenu bon; leur résistance a été constante, malgré des
périodes de reflux.

Ces derniers temps, on assiste à un réveil général de la conscience nationale. En plus du peuple
revendicatif qui exige de meilleures conditions de vie, à travers des demandes sectorielles
(ouvriers, travailleurs, paysans, professeurs, étudiants, élèves …), le scandale de la dilapidation
des fonds Petro-Caribe a provoqué une grande montée de la mobilisation axée sur la lutte contre
la corruption et l’impunité. Comme cela arrive souvent en histoire, le scandale Petro-Caribe a
ouvert les yeux de la grande majorité sur l’injustice d’un système économique et politique,
établissant un rapport de causes à effet sur les malheurs du peuple haïtien. Les grandes masses
populaires ont compris avec plus de clarté et d’intensité la nécessité impérieuse de prendre en
main leur destin.

Comme c’est coutumier dans les périodes de fortes tensions comme aujourd’hui, le bloc
oligarchique inquiet se trouve fissuré. A la recherche d’une solution pour maintenir le statuquo, il
est traversé par des contradictions internes sur la stratégie qui lui permettrait de sauver le
“système “, c’est-à-dire une démocratie institutionnelle de façade, dans un régime économique et
social basé sur des inégalités criantes, la main mise sur les pouvoirs politiques, et la dilapidation
des ressources nationales, sur fond d’exclusion des masses populaires.

Au niveau de l’Organisation Politique Fanmi Lavalas, toujours à l’écoute de toutes les couches
de la population, la conclusion s’impose : il est temps que la classe politique ait le courage
d’enclencher le processus de changement profond du paradigme et des structures de gouvernance
qui caractérisent le système actuel. C’est une nécessité qui jouit d’un large consensus dans la
population générale, et qui se manifeste par l’ampleur toujours croissante de la mobilisation antigouvernementale
que nous observons de nos jours. Il faut que nous respections les aspirations au
progrès, à une société juste et solidaire, de ce peuple revendicatif qui réclame une nouvelle forme
d’état. La nation mérite un nouveau système plus en harmonie avec les rêves de nos pères
fondateurs, une nouvelle vision de la République axée sur la Justice, la Transparence et la
Participation.

Dans cette atmosphère de rejet des usurpateurs issus de fraudes électorales, discrédités par les
multiples scandales liés à la corruption et à l’impunité ; devant la répression sauvage qui n’en
finit pas de faire des victimes dans les rangs des masses défavorisées, devant l’insécurité
galopante qui empoisonne la vie quotidienne de la majorité, l’Organisation Politique Fanmi
Lavalas continue de se tenir fermement aux côtés du peuple haïtien pour « chavire chodyè a ».
Aucune solution cosmétique ne peut apporter de solution efficace ou durable à la crise dans
laquelle nous sommes plongés. Ce système a fait son temps. Il ne peut plus être rafistolé. Il faut
le changer.

« Chavire chodyè a » signifie que nous considérons la situation comme exceptionnelle. Le
pourrissement de la situation politique, la dégradation de l’économie et des finances publiques, la
faillite de l’Etat et des institutions, le déficit de légitimité et l’absence de crédibilité qui
caractérisent tous les niveaux des structures de l’Etat, rendent illusoire voire impossible une
sortie de crise par les voies soit disant constitutionnelles. Les conditions pour un nouveau départ,
qui pourra remettre le pays sur les rails, conformément aux demandes de la grande majorité,
exigent une approche d’exception. Pour Fanmi Lavalas, cette approche inclut :

1) Obtenir la démission de Jovenel Moise par la mobilisation générale (sous toutes ses
formes)
2) Démission de Jean Henry Céant et de ses ministres
3) Constater le dysfonctionnement et la caducité du parlement
4) Mettre en place un exécutif et un gouvernement de salut public pour assurer une
transition de 36 mois au cours desquels ils devront respecter et satisfaire les priorités
définies dans une feuille de route leur tenant lieu de mandat / termes de référence pour les
objectifs et actions du gouvernement de transition.

Ce gouvernement de transition / salut public, sera composé de personnalités crédibles, engagées
dans la lutte contre l’exclusion et la corruption, et qui partagent cette vision d’un nouveau mode
de gouvernance et de gestion de l’espace économique et politique. Parmi les priorités à inclure
dans cette feuille de route :

a) Améliorer les conditions de vie de la population par une gestion saine et efficace des
priorités actuelles en attendant l’arrivée d’un gouvernement élu
b) Créer une assemblée constituante pour une nouvelle charte fondamentale qui définira les
contours de la nouvelle République
c) Organiser le nécessaire dialogue national
d) Créer les conditions permettant la réalisation du procès Petro-Caribe.
e) Prendre toutes dispositions pour réviser la Loi Electorale et appointer un nouveau conseil
électoral devant réaliser les élections qui clôtureront la période de transition

La transition ainsi comprise vise à effectuer les réformes fondamentales permettant de libérer la
démocratie en construction et de rendre possible la tenue d’élections libres, honnêtes, et
crédibles. La transition doit absolument rétablir la confiance entre la population et l’Etat.
En ce sens, les revendications des masses populaires devront être prises en compte sur tous les
points. Fidèle à son engagement et à ses idéaux de justice sociale et de participation, Fanmi
Lavalas jouera son rôle aux côtés du peuple en continuant à prôner le dialogue indispensable
entre les fils et filles d’une même terre.

Comité Exécutif de Fanmi Lavalas
Dr. Maryse Narcisse
M. Joël Vorbe
Dr. Jean Myrto Julien
Agr. Anthony Dessources